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un lauréat

LAURÉAT National | 2002

Catégorie Création

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Bien Jouer

Baroudi IKHELEF

Prix

Parrainé par Ministère de la Ville 

  • Projet suivi par Fondation de France, Fondation Macif, DIV, FAS
  • Région Pays-de-la-Loire | NANTES, quartier de la Bottière
  • Activité | Assistance administrative, juridique itinérante

LE PROJET

Baroudi Ikhelef, 26 ans est originaire de la Bottière à Nantes. Il crée avec d’autres jeunes du quartier l’association Bien Jouer. Avec un bus londonien à deux étages, il parcourt les quartiers populaires à la rencontre des habitants en prise avec un problème de facture EDF ou de dette, un CV à rédiger ou un e-mail à envoyer.

 

CAN I HELP YOU ?
Baroudi tend la main. À l’inconnu, dans chaque recoin du quartier. Devant les boîtes aux lettres, où un homme aux gestes hagards recherche un nom qu’il ne sait même pas lire ; dans la cage d’escalier où un voisin de pallier, nouveau venu dans l’immeuble l’interpelle. Il veut écrire une lettre à l’office HLM mais il est analphabète. Un autre jour, c’est en pleine rue : un vieux monsieur lui demande de le suivre pour lui lire son courrier. Cette fois-ci, il est tombé sur Baroudi. Demain, une autre personne prendra le relais. Au hasard des rencontres, au gré de la bonne humeur et du temps des passants.
C’est pourquoi, il passe son temps à sillonner les quartiers populaires avec son bus anglais de la London United à deux étages. Pour un problème de facture ou de dette, pour une assistance juridique ou tout simplement pour un document qu’on ne comprend pas, un courrier qu’on ne sait pas lire ou écrire, un CV ou une lettre de motivation à rédiger. Gratuitement, les habitants rencontrent un écrivain public, un employé d’EDF ou de la commission de surendettement, un bénévole de la Maison de la
Justice et du Droit ou de l’association Un jeune, un parrain, un emploi. Une radio locale, Alternantes FM (98.1), vient même y loger son studio une fois par semaine pour une émission en direct du bus. Devant le micro, les habitants prennent la parole. Pour parfois seulement vider son sac ; plus souvent pour faire découvrir ses créations musicales aux auditeurs.

 

MILITANTS GONFLES

Mais bien avant le bus, il y avait déjà Bien Jouer, une association qu’il a créée en 1995 avec d’autres jeunes du quartier. Aujourd’hui, ils sont toujours une quinzaine de militants gonflés et d’optimistes incurables : Philippe, Ali, Guillaume, Abdeslem, Marine, Khalil… Le citébus est l’un de leurs derniers gros coups pour lequel ils raflent 114 337 € en tapant à de nombreuses portes : la municipalité (30 490 €), le Challenge des quartiers de la Fondation Philip Morris (15 245 €), la Fondation de France (15 245 €), la Fondation Macif (7 622 €), le Fonds d’Action Social, (3 049 €), la Division Interministérielle à la Ville (15 245 €) et la Région (27 441 €).
Tous azimuts, ils vont sur tous les fronts, organisent un Mondial des supporters, un hommage “aux hommes de couleur morts pour nos couleurs”, un couscous républicain, un forum national de l’aide alimentaire, des virées de nuit pour enregistrer les délits de faciès à l’entrée des discothèques… Mais l’association, c’est aussi et surtout L’entract’. Un bar-restaurant au centre du quartier avec des soirées débats animées très souvent par des intellos parisiens.
Résultat, le centre-ville court à La Bottière pour phosphorer sur l’Algérie avec Stéphane Hessel, sur les médias avec Serge Halimi, sur les sans-papiers avec Patrick Weil… Et quand ils ne débattent pas, le lieu vit sa vie bigarrée. Potaches du lycée voisin, employés de l’annexe de la mairie ou jeunes du quartier s’y retrouvent et y déjeunent.
Une réussite qui a permis à Baroudi de se réconcilier avec lui lui-même, d’accepter un passé parfois douloureux, le lycée et sa première électronique plaquée, trois ans de chômage. “Aujourd’hui, j’ai l’impression de servir à quelque chose. Avant, on s’enfumait, on avait les yeux fermés. C’est pourquoi il a fallu que je parte. Il risquait de se passer le pire… ” Avec l’armée, il pliera alors bagages pour la Côte d’Ivoire. De l’air chaud pour éviter l’asphyxie. Et revenir au quartier les yeux grands ouverts.