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un lauréat

LAURÉAT National | 2002

Catégorie Création

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MTEX - DEFITEX

Moustapha SAIFI

Prix

Parrainé par Ministère de la Ville 

  • Région Nord-Pas-de-Calais
  • Activité | Entreprise de textile

LE PROJET

Mustapha Saïfi, 35 ans, est originaire de Maubeuge, avec pour seul diplôme en poche un CAP mécanicien tourneur, il crée une entreprise de textile à Hem, la banlieue lilloise. Puis deux, trois, quatre sociétés. Et big boss il est devenu.

 

CHIFFONS, BM, ET FAUTUEIL DE CUIR

Patron, il assure ne pas l’être dans sa tête. Et préfère le mot entrepreneur. Entrepreneur donc, qui se ballade en BM – “mais ici, tout le monde a une BM !” – et reçoit enfoncé dans son fauteuil en cuir “acheté 76 € aux enchères ”. À la tête de quatre entreprises dans le textile, dont une en Tunisie où il embauche 150 personnes, avec un chiffre d’affaires de 1 524 490 €, il savoure : “Dans mon malheur – un CAP mécanicien tourneur et sans être parano, je m’appelle Mustapha Saïfi -, j’ai eu de la chance. Et pour ma mère, avoir un fils qui a une usine, c’est extraordinaire. L’usine, elle connaît : mon père y a travaillé, et il y est mort. Avoir un fils patron, c’est la plus grande fierté qu’on puisse avoir. L’accomplissement d’une revanche”.

 

TENDRE LA PERCHE

Et beau joueur, il tend la perche à d’autres. Il tire de “ là-bas ”, de Maubeuge ou de Hem, la banlieue lilloise, un membre de sa famille ou un copain. Ou un inconnu, un voisin de palier. Comme Valérie, Nadia ou encore Évelyne, de la barre d’en face, mère de famille de 10 enfants qui abandonne ses allocations pour un premier boulot à 50 ans. Parmi ses 30 salariées, 20 étaient auparavant au chômage et sans qualification. Mais derrière le social, sa “démarche citoyenne”, Mustapha ne perd pas le nord : “Un chef d’entreprise doit sans cesse lutter entre les valeurs humaines et la réalité. Si j’envisage de racheter une entreprise en dépôt de bilan, ce qui m’intéresse, c’est non pas de la garder mais de la fermer et de récupérer le matériel pour mon usine en Tunisie. Ma soeur me dit que c’est immoral, je réponds que c’est stratégique”.

MTex passe ainsi d’un chiffre d’affaires de 45 735 € en 1996 à 381 123 € un an après, pour atteindre aujourd’hui les 762 245 € dont 50% à l’export grâce à un contrat signé avec un groupe Allemand, Orsey. Sans compter Defitex, la petite sœur implantée à Roubaix où il embauche 15 personnes, et la création d’un bureau d’études avec une modéliste, une styliste et une monteuse prototype débauchée à la concurrence.
Une belle affaire après un “TUC” (*) d’un an et demi comme technicien régie dans une radio privée et trois ans de vache maigre en pointant en chômage. Un bonheur qu’il doit aussi à Jean Duforest, Directeur général de Camaïeu, rencontré lors d’un forum “ jeunes-patrons ” organisé par l’association “ Espace intégration ”. C’est lui qui le formera chez un de ses distributeurs. C’est encore lui qui lui présentera un autre PDG, fondateur d’une autre célèbre entreprise de textile, Pimkie.
Deux mois plus tard, Mustapha assure 40% de ses débouchés avec cette société. Quant aux banques, il finit par les séduire à force de ténacité. “À 24 ans déjà, je me battais avec elles : ma mère m’avait confié le rôle de “ ministre des finances ” de la famille. J’avais le pouvoir avec le porte-monnaie”. Avec 457 € par mois en tout et pour tout, et neuf frères et soeurs. Sur 20 rendez-vous, une seule acceptera le pari : un prêt de 30 490 €. Le maire de Hem, séduit par son souci de mêler l’économie et le social, l’appâte et lui déniche un local flambant neuf de 800m2. Implanté dans un quartier difficile, il décroche ainsi une subvention du Fonds régional d’initiative locale à l’emploi : 30 490 €.
Alors qu’il rame 16 heures par jour, il croise Gérard Mulliez, PDG des magasins Auchan, lors d’une remise de prix de la Fondation Nord Entreprendre. Il l’interpelle et l’invite dans son entreprise. Bingo : celui-ci l’introduit dans l’un de ses réseaux, un cercle de patrons nordistes, et lui ouvre la porte du Lions’Club.
L’establishment manquait à la panoplie BM et fauteuil cuir. Mais le patron reste humble. “ La tête dans les étoiles, les pieds dans la glaise ”.

(*) TUC, Travaux d’utilité collective. “ Ancêtre ” des CES et emplois-jeunes.