Recherchez
un lauréat

LAURÉAT National | 2002

Catégorie Création

2002-zouhair-chebbale-realisateur-talents-des-cites-creation-1.jpg

Zouhair CHEBBALE

Zouhair CHEBBALE

Prix

Parrainé par Ministère de la Ville 

  • Projet suivi par Association La Ruche, Fondation de France
  • Région Alsace
  • Activité | Réalisateur

LE PROJET

C’EST ARRIVE PRES DE CHEZ NOUS

La scène se passe dans un appartement d’une cité de Mulhouse. Le cadre trop serré, l’atmosphère trop pesante. “Ça m’a fait mal… Elle aussi, elle a été punie… Elle était aussi citoyenne… ”. La parole est pudique, les silences s’installent entre les mots. Le sanglot refoulé est celui d’une jeune femme de Bourtzwiller qui raconte. Elle dit la vie de sa mère après la suppression de l’arrêt du bus suite à l’agression d’un chauffeur. Vieille dame condamnée à rester ici à longueur de journée. “Punie”, elle aussi. Elle n’est depuis, plus sortie de chez elle.

 

REVEILLER LES CONSCIENCES

Le documentaire de Zouhair Chebbale permet de plonger dans le quotidien du quartier. Avec ses malaises, ses questions en suspens, ses colères. Zouhair filme pour réveiller les consciences, “ débloquer des situations de crise, faire passer un message ”. Le face à face avec la caméra pour sentir l’émotion de “ l’autre ”, le banlieusard retranché dans sa tour ou le technocrate derrière son bureau; pour tenter de rapprocher les deux parties, “réduire le fossé”. La caméra comme relais entre l’administration et les habitants.
En attendant sa diffusion prochaine sur France 3, la cassette est au Stadium, le café du coin. Zouhair montre tout simplement “ les gens différemment”. Il assure même : “ Le mec du quartier, il râle, dit les choses tout de go, t’insulte même parfois, mais il le regrette tout de suite après. Il a du coeur”… Il tente de convaincre, “de rendre tendre un mec de cité ”. Rêve de les faire jouer avec des dialogues décalés, avec “ un style français de souche ”, à la Bacri ou Jaoui, ses références. Il rêve de “mettre un arabe là où l’on croit qu’il n’a pas sa place ”. On ne sait jamais, si cela pouvait “ atténuer le racisme”.

 

ABECEDAIRE DE LA BANLIEUE

Il rêve et c’est tant mieux. S’il n’y avait jamais cru, il serait encore avec ses éprouvettes et ses molécules : “Pour mes parents, c’était médecine… J’ai donné le change ”. Il fait une première année à cirer les bancs de la fac et faute de filmer, crée avec cinq amis AJC. Comprendre : “ Association Jeunes et Culture ” ou “Agissez “, c’est selon. “C’était une façon de revitaliser l’endroit où l’on vivait avec un ciné-club, des tournois sportifs, de l’aide aux devoirs… ”. Suivra un DUT sciences et génie de la matière, une licence de physique et une maîtrise de sciences de l’éducation. Jusqu’au travelling arrière, le DESS cinéma et audiovisuel à Strasbourg, le chèque de 7 622 € de la Fondation de France avec lequel il s’achète son propre matériel – caméra numérique, perche, micro, banc de montage… – et le Sunny Side, le marché du documentaire où toutes les chaînes européennes vont faire leurs emplettes. Là-bas, il saisit toutes les cartes de visite et se vend.
Aujourd’hui, quatre boîtes de production sont prêtes à produire ses films. Mais il est déjà trop occupé avec son abécédaire de la banlieue, Destination BZ mon bled, un documentaire-fiction avec un groupe de Rap du quartier. Mais c’est promis, il reviendra frapper à leur porte, plus tard. Dans le café, le reportage tourne toujours en boucle. Au comptoir, les clients lèvent le nez. Au pied du bloc, un ado réagit : “ les bus, ils ne passent même plus ! On se sent rejeté grave… ” Un autre, plus âgé, contrebalance : “ La clôture, elle n’est pas mise par les pouvoirs publics mais par les gens du quartier ! ”. Quelques séquences plus loin, on retrouve ce jeune au volant d’un… bus. Un des leurs est justement chauffeur de bus, de la cité lui aussi. Le pied de nez digéré, la caméra s’arrête alors sur deux hommes assis à l’arrêt fantôme. Ils discutent (peu), ils tuent le temps. Ils attendent. La vieille dame, elle, est morte.