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un lauréat

LAURÉAT National | 2002

Catégorie Création

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LEA P.NING

Viviana MOIN

Prix

Parrainé par Ministère de la Ville 

  • Région Ile-de-France
  • Activité | Atelier d'improvisation

LE PROJET

Viviana Moin, 35 ans est originaire de Saint-Denis. Comédienne, clown et danseuse dans la compagnie de Christophe Haleb, elle crée une association “Léa P.Ning ” pour monter un atelier d’improvisation avec les femmes du quartier. Une façon de lutter contre l’isolement ou leur condition de femmes musulmanes. D’investir son corps pour faire sa place dans la société.

 

L’IMPRO POUR FAIRE SON TROU

Plantureuse mais camouflée dans un pull trop large ; danseuse contemporaine argentine à la sensualité de ses origines, mais pas vraiment à l’image des figures évoluant habituellement sur scène : “Pendant des années, j’ai nié mon corps, j’ai voulu le détourner de ses désirs, je l’ai empêché de montrer sa plus profonde vérité, je l’ai mortifié, j’ai eu honte de lui, je lui est refusé la parole ”. La même, qui quelques minutes plus tard, parle d’“extase dans les toilettes ” et se déhanche au-dessus de sa cuvette. Et explique, pragmatique: “ J’ai commencé à travailler dans mes toilettes, tout simplement parce que je ne disposais pas d’un studio de danse ”. L’espace étroit, ces murs si proches, loin d’être un inconvénient, sont devenus depuis le soutien et l’essence même de sa danse.

 

SE RETROUVER DANS SON CORPS

C’est cette même singularité qui la poussa à créer, il y a deux ans, sa propre association, “Léa P.Ning ” : “ Ou j’avais des envies très précises ou j’étais trop singulière : je ne rentrais pas, ça ne collait jamais. Je faisais trop tâche ”. Viviana voulait “ un lieu pour se retrouver dans son corps”, mais pas seulement pour elle, mais pour toutes les femmes du quartier. Dans la salle d’attente d’une P.M.I. (Protection Maternelle Infantile), elle les amène à la danse : “Pour toutes ces femmes qui se sont perdu, condamnées pour certaines à porter leur statut de femmes musulmanes, c’est la seule manière de sortir de l’isolement, de trouver une place dans la société ”. Une manière comme une autre de lutter, de dévoiler ce qui se cache en elles, de faire remonter à la surface des histoires qui valent la peine d’être racontées et écoutées. Comme celle de cette prof de français, hier en Algérie, aujourd’hui sans papiers en France, condamnée à vivre cachée dans le pays qu’elle adule jusque dans sa littérature, de Ronsard à Houellebecq sans concession.

 

INVENTER D’AUTRES RELATIONS AVEC LE MONDE

Ensemble, elles déambulent et improvisent : “ il s’agit de composer avec ce qu’on a, ce qu’on est et ce qui est autour de nous pour détourner ce qui peut être vu comme un problème ou une tare. Danser, c’est inventer d’autres possibilités de relations avec le monde, loin de celui qui nous est proposé en exemple ou imposé”. C’est pour cela qu’elles sont là : la jeune Fatumata en bute avec ses traditions et ses parents qui veulent la marier, Nasera, qui passe son temps à trouver des solutions pour tout le monde, Tahna, la mama arabe voilée qui se lâche en bermuda et cheveux détachés en sautant d’un bout à l’autre de la pièce…

Une victoire de plus. Mais sa réussite, c’est aussi et surtout l’histoire, avec quelques sueurs froides, d’une rencontre avec le danseur et chorégraphe Christophe Haleb qui la remarque, lui fait savoir, puis disparaît, la laissant choir : “ Je n’étais rien, j’étais étonnée… Puis je n’ai plus entendu parler de lui pendant un an. Jusqu’au coup de fil : “ Je fais une création, je veux que tu fasses partie de la troupe ”. Après des années de galère, à négocier, chercher des spectacles, à accepter des emplois solidarité, travailler 10 heures pour 4 heures déclarées, Viviana rejoint sa compagnie. Là, “ c’était frontal, sans hésitation, clair ”. Suivront six mois de répétitions pour jouer “ Idyllique ” au Théâtre de la Ville à Paris, puis à Toulon, Cazal, Cahors, Nancy, Tours… L’extase, mais loin des toilettes.