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LAURÉAT National | 2002

Catégorie Création

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SHEHERAZADE & Cie

Rachida KHALIL

  • Région Ile-de-France
  • Activité | Artiste de spectacle

LE PROJET

Rachida Khalil, 29 ans, est originaire du Val Fourré à Mantes la Jolie. Devenue auteur “ par nécessité”, pour combattre les clichés et échapper au conditionnement caricatural, elle crée son association Shéhérazade et Cie et rempile au théâtre parisien de la Main d’Or avec son one woman show, Sept chiennes de vie. Tentative schizophrénique pour dire la femme, son être, son vouloir être.

 

CHIENNE DE VIE _ interview de Fanny Weiersmuller

Elle donne rendez-vous loin du Val Fourré. À St-Germain des Près, au Café de Flore, comme une énième tentative d’échapper au cliché de la banlieusarde. Rodée à fuir les propositions de rôles la cantonnant à “ la beurette de service qui se fait casser la gueule parce qu’elle ne respecte pas les lois islamiques ”. À l’étroit dans la peau des trop nombreux personnages de Soraya ou Fatima, Rachida finit par créer sa propre compagnie. En 1993, elle monte Shéhérazade et Cie et se confronte à l’écriture, “ le meilleur moyen d’être libre ”. Libre de ses choix, de ses allées et venues une fois sa classe de première plantée et ses bagages pliés pour quitter le toit familial à 16 ans. Enfin libre de suivre la troupe d’Ahmed Madani, mais sans maison. Ou plutôt, des dizaines : “ Je passais d’un ami du metteur en scène à l’autre. En deux ans, j’ai eu 100 maisons”. Deux ans de “grande galère ” entre tournées et petits jobs comme agent commercial dans les assurances, démonstratrice dans les grandes surfaces, vendeuse de cuisines aménagées…

UNE ONE WOMAN SHOW

Libre donc, elle écrit, co-écrit même un spectacle avec Dieudonné, s’égare, et remplit le frigo grâce à du secrétariat à domicile ou du lobbying pour une grosse multinationale décroché lors d’un dîner mondain parisien. Jusqu’à l’accouchement : Sept chiennes de vie, un one woman show qui parle des femmes, de toutes les femmes, les maghrébines et les autres, les délurées et les coincées. De la mama arabe soumise à la femme afghane voilée de la tête au pied, en passant par la femme fatale, pathétique et esseulée. Un budget de 38 112 €, bouclé grâce à la ville de Mantes la Jolie (3 811 €), aux sponsors (27 441 € au total, entre La cimenterie Calcia de Mantes ou Skyrock par exemple) et à la billetterie. Deux mois de spectacles au théâtre de la Main d’Or à Paris devant une salle remplie grâce au bouche à oreille et à une radio nationale, cliente elle aussi au lobbying, qui lui offre une communication rêvée : des spots gratuits trois fois par jour. Rachida jouera les prolongations en octobre prochain.

LES PLANCHES COMME TRIBUNE

Des bonheurs pour amortir les mauvais coups. Lorsqu’elle crée le festival “Si j’aime ”, pour la prévention du Sida par exemple : “ J’ai été critiquée parce qu’au centre de rivalité, de mesquinerie… Une belle leçon de vie qui m’a appris à me centrer plus sur moi-même”. Ebranlée, encore, lors son spectacle Tchador, à La Cigale avec SOS Racisme où elle essuie la critique sévère de la communauté outrée. Parce que Rachida utilise les planches comme tribune. Pour dire, protester, crier, sourire. Avec justesse, elle défile les arrêts sur image d’une société, les contradictions entremêlées de rêve et de réalité. Et, crime de lèse-majesté, ose montrer le foulard sous toutes ses coutures : tantôt accessoire branché dans un défilé de mode, tantôt muselière ou… Kleenex lorsqu’elle éternue. Vindicte de la salle. Menaces de mort, même.
Échec encore avec un projet de café-théâtre à Mantes. Là, c’est un an de recherche de financements, près de 304 900 euros de francs amassés grâce aux fondations et aux subventions auprès de Philipps Morris, Vivendi, France Télécom ou la DRAC, qui tombe à l’eau parce que la mairie fait marche arrière. Il y a bien aussi quelques rêves de tournages et de stars malmenés et cabossés. Comme sur le tournage de 100% Arabica de Mamoud
Zimmouri, “en hiver, dehors, il caillait… On allait se réchauffer dans ma voiture ”. Sans loge, mais une coupe de champagne à la main.