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un lauréat

LAURÉAT National | 2002

Catégorie Création

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SAIB ALI, chercheur Inserm

Ali SAIB

Prix

Parrainé par Ministère de la Ville 

  • Région Ile-de-France
  • Activité | Projet associatif : rencontre de collégiens en difficulté scolaire et de chercheurs dans le cadre de l'école et du laboratoire

LE PROJET

Ali Saïb, 33 ans, est chercheur Inserm et chef de laboratoire à l’Hôpital Saint-Louis à Paris. Il dirige la seule équipe française à travailler sur les rétrovirus foamy. Et rêve de voir ses amis sortir, comme lui, des quartiers nord de Marseille. Alors il tend la main, et attend que l’un d’eux la saisisse.

 

VADE RETRO VIRUS

Il tue le temps à étudier les rétrovirus, ces cousins du Sida. Ou frères jumeaux, sauf que l’un est criminel, l’autre pas. “On travaille sur celui qui ne l’est pas pour savoir pourquoi l’autre le devient. Parce que le criminel est difficile à approcher, à comprendre, aussi. ” Ali Saïb dirige à 33 ans la seule équipe de chercheurs à plancher sur ces virus en France. Ils sont une quinzaine dans le monde. Brillant chercheur accumulant les prix – Prix Dina-Surdin de la Société française de biochimie et de biologie moléculaire, prix Nathalie Demassieux de la Chancellerie des Universités de Paris, Prix Recherche de l’Académie nationale de médecine… – mais qui a bien failli rester sur le carreau : “Après ma maîtrise de génétique à Marseille, j’ai postulé pour un DEA à l’institut Curie. Les candidats étaient en costard, moi, en jean et tee-shirt : j’avais pas de fric. J’avais un bon dossier, des recommandations mais pas de labo. Tous mes espoirs s’écroulaient. Soudain, dans le jury, le docteur Georges Périès s’est levé et a proposé de me prendre dans son équipe ”.

 

“ GARDER CE FIL D’ARIANE ”

10 septembre 1990. Ali quitte les quartiers nord de Marseille et le toit familial pour Paris et “un bordel à Stalingrad”. Puis déniche une place dans un foyer de jeunes travailleurs à Aubervilliers, garde les chats du professeur argentin parti en voyage et profite du lit dans son 120 m2, rebondit dans une chambre de bonne et boucle finalement sa thèse en cité universitaire. De cette période, il retient deux maîtres : Périès, qui lui transmet l’amour des virus, et Hugues de Thé, avec qui il prend goût à la décortication des mécanismes moléculaires, et qui lui proposera de prendre la direction des recherches du groupe de virologie lorsque Périès se résigne à troquer la blouse contre la retraite. Ali, chef de laboratoire. Mais toujours sombre en pensant à ceux restés au pied du mur du quartier : “ Ce qui m’a sauvé, c’est que j’ai fait des études, je gardais ce fil d’Ariane, la recherche ”. Puis il y a aussi Marius, dit Méhu, l’employé de la ville qui prend les gosses sous son aile après le boulot, le soir, les week-ends. Et qui prend le relais quand l’image du grand frère s’estompe. Pour eux, pour les sortir du quartier, Ali postule au prêt d’honneur aux jeunes de la Fondation de France (6 098 €) afin de payer les billets de train et les premières nuits d’hôtel dans la ville de leur choix, à Grenoble, Lyon ou Paris, le temps pour eux de démarrer : “Côtoyer une autre classe sociale, c’est possible, à condition de casser les repères – notamment de groupe, sinon on ne peut pas évoluer”.

 

LE DON DE SOI

Mais aucun des jeunes ne quittera le quartier. Il tente de comprendre, se remet en cause, grandit : “ S’il n’y a pas de moteur, on peut toujours leur apporter de l’argent, un hôtel quatre étoiles, rien ne changera. On ne peut pas être heureux pour l’autre. Je les ai aidés comme j’ai pu…”. Puis pas vraiment réconcilié, lâche : “Je ne sais pas quoi faire pour calmer ma colère… Alors, je travaille beaucoup, je m’épuise au travail ”. Et il s’investit ailleurs. À la présidence de l’association des anciens lauréats de la Fondation de France, “Itinéraires ”, où il accompagne d’autres jeunes désireux d’entreprendre, encourage les candidats aux projets bien ficelés mais refusés faute de bourses suffisantes, et les met en contact avec d’anciens lauréats dans le même champ d’action pour les aider à initier leur projet. Quatre années de don de soi, et au bout, l’apaisement : “ J’ai compris qu’il y a des moments cruciaux dans la vie. À ce moment-là seulement, une main, une écoute ou un coup de pied peut tout changer ”. Alors, il attend. L’appel de ses amis ou jeunes restés là-bas, dans le quartier. Il attend et se concentre sur ses recherches, ses étudiants ou jeunes thésards. Et dans un café à quelques mètres de l’hôpital Saint-Louis, il a déjà trop parlé. Ses “rétrovirus foamy ” l’attendent.